mardi 11 août 2009

Staline a voulu la fin de l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine

La découverte d’une lettre de Khrouchtchev au maître du Kremlin confirme de vieux soupçons

On soupçonnait depuis longtemps la main du Kremlin derrière les manœuvres qui aboutirent en 1946 à la suppression de l’Église gréco-catholique d’Ukraine (1). Cette communauté de plusieurs millions de fidèles, dont le lien avec le Vatican était perçu comme un danger, fut alors intégrée de force, dans l’Église orthodoxe, au terme d’une parodie de synode à Lvov. Celui-ci, manipulé par Moscou, vota le « retour » à l’Église dont les « uniates » s’étaient séparés depuis l’union avec Rome votée à Brest-Litovsk en 1596. Il n’y eut cependant que 30 % de son clergé à accepter de rejoindre le Patriarcat de Moscou. Quelque 10 % des prêtres fondèrent une Église clandestine, 10 % partirent en exil.

C’est Staline en personne qui a dirigé cette annexion. Sa responsabilité directe vient d’être établie par la découverte, fin juillet, d’une lettre du premier secrétaire du Parti communiste en Ukraine, à l’époque Nikita Khrouchtchev, à Staline. Le document, daté du 17 décembre 1945 et tiré des archives secrètes du Kremlin, a pu être consulté par l’agence Kathpress de Vienne, qui vient de le publier. Khrouchtchev y informe Staline du déroulement du programme d’annexion de l’Église gréco-catholique et lui demande des consignes pour la suite des opérations. Le document révèle que le « Comité d’initiative pour la réunion de l’Église gréco-catholique avec l’orthodoxie », soutenu par le Parti communiste, a joué le rôle principal dans la liquidation de cette Église de rite oriental, unie à Rome. Ses initiateurs étaient les archiprêtres catholiques Gabriel Kostelnik, Michael Melnik et Anton Pelvetsky.

Un pseudo-synode gréco-catholique

Au début de 1945 a été lancée par le parti une campagne médiatique à destination des uniates d’Ukraine, intitulée « Revenez dans les plus brefs délais dans les bras de votre véritable mère, l’Église orthodoxe russe ». Le 11 avril, tous les évêques uniates de Galicie (Ukraine occidentale, où cette Église était majoritaire) étaient arrêtés simultanément. Début 1946, ils étaient condamnés à de lourdes peines de travaux forcés pour « collaboration avec l’Allemagne » durant la guerre.

Et c’est les 8 et 9 mars que se tint, en la cathédrale Saint-Georges de Lvov, un pseudo-synode gréco-catholique réunissant 216 prêtres : convoqués de force pour dénoncer l’Union de Brest-Litovsk, ils votèrent par la même occasion le rattachement au Patriarcat de Moscou. Aucun évêque légitime n’était présent à ce synode : ils étaient tous internés depuis longtemps. Deux des trois prêtres artisans de cette opération de l’intérieur de l’Église gréco-catholique furent immédiatement consacrés évêques dans l’orthodoxie ; le troisième, Kostelnik, étant prêtre marié, ne le fut pas, et disparut d’ailleurs mystérieusement un an plus tard.

Sous Mikhaïl Gorbatchev, en 1989, l’Église gréco-catholique d’Ukraine retrouvera sa liberté de culte et sa reconnaissance. Elle compte aujourd’hui cinq millions de fidèles, animés par 15 évêques et 2 200 prêtres, 750 moines et 1 100 religieuses, disposant de 3 000 églises.

Michel KUBLER

(1) Une opération analogue aboutira, en 1948, à l’intégration de force de l’Église gréco-catholique de Transylvanie dans le Patriarcat orthodoxe de Roumanie.

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