vendredi 24 juillet 2009

Qui peut prévoir la fin d’une religion ?

Interview
Michel Cazenave, écrivain, analyse les origines, les échecs et les succès de divers cultes.

Michel Cazenave est le producteur de l’émission Symboles et religions : les vivants et les dieux sur France culture.

-Pourquoi certaines religions disparaissent-elles alors que d’autres durent ?

La disparition d’une religion est la conséquence des inattendus de l’histoire. De facteurs multiples, spécifiques, historiques. Le christianisme prend la suite des cultes dionysiaques ou cultes à mystères qui supposaient des initiations successives. Le culte de Mithra, par exemple, était presque militaire, réservé aux hommes, élitiste, alors que la grande force du christianisme est qu’il s’adresse à tout le monde et porte un message d’égalité. Souvenez-vous des paroles de l’apôtre Paul : «Il n’y a plus ni serviteur, ni maître, ni Grec, ni juif, ni homme, ni femme.»

-Certaines religions ne contiennent-elles pas les germes de leur propre échec ? Le mandéisme, par exemple, n’a jamais prospéré même s’il eut son heure de gloire au début du XXe siècle, des savants y voyant la source des origines chrétiennes, pourquoi ?

Le mandéisme est une religion dualiste : sa théologie oppose le monde d’en haut, celui de la lumière, de la gloire et de la vie, au monde d’en bas fait de ténèbres et créé par un dieu mauvais ou imparfait appelé le démiurge. Cette notion de dieu totalement mauvais, encore pire que le diable, n’est pas évidente à accepter. Les gens ont besoin de croire qu’il existe un dieu dans lequel on peut avoir confiance. Le dualisme a surtout marché en Perse, son pays d’origine, beaucoup moins au Moyen-Orient même s’il a concurrencé, un temps, le christianisme.

-Il y a aussi les religions créées par le pouvoir politique comme le monothéisme d’Akhenaton ou le culte de la raison. Est-ce pour cela qu’elles n’ont pas pris ?

Le monothéisme d’Akhenaton est né de la volonté d’une seule personne, le pharaon Aménophis IV. Mais en bannissant la foule des dieux d’antan et en démythologisant radicalement la vision égyptienne du monde et en identifiant le dieu suprême et unique au seul globe solaire Aton, il a heurté tellement de croyances enracinées et d’intérêts en mettant toute la classe sacerdotale au chômage, que cela avait toutes les chances de rater. Par ailleurs, en tant que fils de Horus, il tirait sa légitimité des dieux qu’il mettait en cause, ce qui est un peu contradictoire.

-Le culte de la raison, aussi, était une création politique…

C’est pourquoi ça ne pouvait pas marcher. Expliquez-moi comment un pays à 90 % campagnard et très profondément païen avec une frange catholique, peut croire à la déesse raison, un culte dépourvu de tout mystère ? Bien que non chrétien, j’avoue qu’une grande liturgie catholique et la fête de la déesse raison ça n’a pas la même allure ! Le culte de la raison, c’était une religion pour des ultra-intellectuels. En même temps, il annonce des mouvements politiques qui vont être des mouvements religieux déguisés comme le communisme ou le nazisme.

-Le catharisme aurait-il pu l’emporter sur le christianisme ?

Déjà, la doctrine cathare est relativement simple : l’idée principale, plus ou moins réalisée, est que tout le monde est égal. C’est un mouvement à la fois religieux, social et politique. Deux autres points sont la promotion du statut de la femme et la remise en cause des structures féodales traditionnelles. Le catharisme a bien failli balayer le catholicisme. Lorsque la croisade contre les Albigeois est décidée, l’Eglise a perdu une grande partie du Midi de la France. Le catharisme a été vaincu par l’épée. Il aurait pu disparaître aussi par l’exemple. Les communautés cathares au contact des premiers monastères franciscains [ordre fondé par Saint-François d’Assise en 1216, ndlr] ont presque disparu.

-Pourquoi le christianisme a-t-il réussi ?

Il y a des endroits où il a converti par l’exemple, d’autres par la force. Mais surtout, il s’adresse en principe à tout le monde, aux élites comme aux gens les plus simples. La vierge Marie a été imposée par le peuple. Elle a beaucoup reçu d’Isis, l’Egyptienne. Le christianisme se prétendait différent des religions qui l’ont précédé, on a oublié à quel point il est syncrétique. Comme les prêtres de Cybèle [divinité d’origine phrygienne importée en Grèce et à Rome, ndlr], les servants de Dieu sont des eunuques qui ont renoncé à la sexualité. Attis, le fils incestueux de Cybèle est né dans la fameuse grotte de Bethléem, comme l’enfant Jésus. La vierge Marie a été déclarée mère de Dieu à Ephèse, ville de la grande déesse Artémis. Partout, le christianisme recycle des vieilles croyances qu’il recouvre de son badigeon.
Lors de son procès, Jeanne d’Arc a raconté qu’elle décorait les arbres aux fées au mois de mai. Il s’agit évidemment de la survivance de rites liés aux cultes archaïques et cosmiques qui marquaient la fin de l’hiver et ouvraient le cycle du renouveau. Dans ma vallée des Pyrénées, lorsque l’orage arrivait, on tentait de le détourner en sonnant les cloches et en allumant des cierges dans les champs. Les théologiens intègrent tout ça.

-Est-ce que le christianisme peut disparaître à son tour ?

Une religion est un phénomène collectif, dans lequel chacun participe et qui en même temps organise la société. Ce qui me frappe, c’est de voir à quel point le christianisme actuel court après la société civile. Il ne structure plus. Nous sommes, je crois, dans un état de grande déshérence. Cela n’empêche pas toutes sortes d’aventures spirituelles de se vivre individuellement dans le monde - on trouve son salut comme on peut, et cela forme une sorte d’humus, à partir duquel éventuellement, un jour ou l’autre, surgira une forme religieuse. C’est-à-dire une forme d’organisation qui réinstaure, collectivement, le rapport à l’invisible et le rapport au sacré. Mais bien malin qui peut prévoir quand aura lieu la fin du christianisme parce que je suis certain qu’elle aura lieu. André Malraux a écrit que l’on savait très bien à l’époque que la religion romaine allait être balayée, mais par quoi ? Personne n’aurait parié un sou sur le christianisme. Et vous voyez la suite…

-Vous-même, avez-vous une tendresse particulière pour une religion disparue ?

Le culte isiaque parle à mon cœur. J’aime bien les déesses. Je préfère clairement les valeurs féminines aux valeurs masculines. Bien que non chrétien, j’ai une grande tendresse pour le successeur d’Isis, la vierge Marie.

Source : liberation.fr

3 commentaires:

  1. Vous mélangez dans votre article christianisme et catolicisme, ce qui n'est pas la même chose. Le catholicisme s'est construit à partir de l'Evangile + quantité d'apports de religions issues du paganisme. Il faut dissocier ce que dit la Bible et ce que le cxatholicisme a ajouté qui ne provient pas d'elle.

    Le christianisme ne peut mourir car Celui qui en est le Chef a vaincu la mort ! On a prophétisé x fois dans l'histoire la mort du christianisme. il ne s'est jamais si bien porté qu'en cette fin des siècles

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  2. Il me semble qu'il ne faut pas confondre la religion avec la foi.

    Car les religions (quelle soient « chrétiennes » ou païennes) sont toutes des oeuvres humaines et sont également toutes destinées à disparaitre puisqu'elles ne sont que des constructions ambitieuses inventées par les humains.

    Leurs dogmes et leurs bâtiments - sensés permettre la pratique du « culte » - prétendent « ranger » la Divinité dans des limites acceptables et contrôlables par les humains. Pourtant, la Bible dit très clairement que Dieu ne se laissera jamais enfermer dans les structures inertes et sans vies construites par ses créatures :

    « le Très–Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme dit le prophète : Le ciel est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez–vous, dit le Seigneur, Ou quel sera le lieu de mon repos ? N’est–ce pas ma main qui a fait toutes ces choses?… » (Actes 7. 48 à 50.)

    Une erreur couramment répandue, consiste à croire que Jésus Christ serait venu amener une nouvelle religion, alors que selon ses propres Paroles il est littéralement venu apporter la Vie d'En Haut, la Vie de l'Éternité à ceux qui croiront en Lui.

    Malheureusement, certains de ses auditeurs n'ont pas saisi la Vie qu'Il annonçait, et ils ont commencés à inventer et à établir la « religion chrétienne » avec ses dogmes, ses rites et ses « lieux saints » etc... Or ces choses sont destinées à disparaitre à cause de leur nature temporaire.

    Selon l'apôtre Paul, il n'y a que trois choses qui demeurent éternellement et qu'il est donc important de recevoir et de développer :

    « trois choses demeurent : la FOI, L’ESPÉRANCE et L’AMOUR » 1 Corinthiens. 13. 8.)

    - « la FOI vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la Parole de Christ. » (Romains 10. 17.) Or cette Parole est éternelle.

    - L’ESPÉRANCE vient de Dieu elle aussi : « Oui, mon âme, confie-toi en Dieu! Car de lui vient mon espérance. » (Psaume. 62. 5.) Or Dieu est Éternel.

    - « L’AMOUR ne périt jamais. » (1 Cor. 13. 8.) car il est la nature même de Dieu : « Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » (1 Jean 4. 16.)

    Voilà le « Royaume de Dieu » que le Fils Unique est venu apporter aux hommes. « Un Royaume qui ne sera jamais détruit... et subsistera éternellement » (Daniel 2. 44.)

    Reconnaissons que ce « Royaume » n'a rien à voir avec les religions officielles établies dans le monde.

    « Et on ne dira point: voici, il est ici; ou voilà, il est là; car voici, le Règne de Dieu est au-dedans de vous. » (Luc 17. 21.)

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