« Vénérable », « bienheureux » et enfin « saint » : le chemin est long pour rejoindre la crème des catholiques. Rue89 vous guide.
Alors que Karol Wojtyla, alias Jean Paul II, se dirige tout droit vers la plus rapide canonisation de l'Histoire, faisons le point sur l'itinéraire complexe que doit suivre tout parfait candidat au poste enviable de saint. Autant vous prévenir tout de suite : ce n'est pas gagné.
Le vénérable : exemplaire toute sa vie… ou mort en martyr
En théorie, c'est assez simple. Vous avez fait le bien autour de vous ? Vous ne vous êtes pas écarté de la foi ? Vous pouvez prétendre à la première marche vers la canonisation : le statut de « vénérable ».
Petit détail : vous devez vous faire recommander. Une foule de fidèles, d'admirateurs, devrait suffire. Une fois introduit, vous pouvez acquérir le statut de « serviteur de Dieu ». Vos actions sont alors examinées à la loupe par une équipe d'enquêteurs expérimentés mené par l'évêque local.
Rien ne doit « déroger à la foi ou aux bonnes moeurs ». Il s'agit de vérifier l'« héroïcité » des vertus du serviteur de Dieu : exemplarité, spiritualité. A noter, pour les plus motivés : le martyre suffit à faire accepter un postulant… Un moyen de s'affranchir, au prix fort, de dizaines d'années de conduite exemplaire.
Le bienheureux : avoir réalisé un miracle
Prochaine étape de votre parcours : le statut de « bienheureux ». Votre dossier est transféré à Rome. Vous entrez dans les hautes sphères. Entre alors en jeu la « Congrégation pour les causes des Saints ». Un tribunal mystérieux mais essentiel.
Son personnage central est le promoteur de la foi, véritable procureur général chargé de mettre en lumière les côtés sombres de la vie du vénérable.
Sa tâche la plus importante : vérifier l'authenticité du miracle présenté par le postulant. Une guérison miraculeuse par exemple. Attention : c'est uniquement à cette condition que vous accéderez au grade supérieur.
Conseil : évitez de présenter une guérison miraculeuse. Pour la seule ville de Lourdes et depuis cent cinquante ans, on pouvait compter 7 200 guérisons étonnantes, toutes examinées par l'Eglise. Sur ce total, 2 000 n'ont pas reçu d'explications médicales, et seulement 67 ont été reconnues comme miraculeuses.
Pour la procédure de béatification de Jean Paul II, qui pourrait aboutir dès 2010, petit cocorico : le miracle retenu concerne une Française, sœur Marie-Simon-Pierre, que le Saint-Père aurait guéri de la maladie de Parkinson.
Mais même pour une personnalité aussi marquante, le processus est complexe : la « Positio », le dossier de béatification, soit « une somme de 5 000 pages sur Jean Paul II » n'est qu'une « petite synthèse du procès diocésain », relève Jean-Marie Guénois sur LeFigaro.fr.
Le saint : deux miracles authentifiés à son actif
C'est l'équivalent du bâton de maréchal pour le christianisme : la canonisation. Le saint est exemplaire. Il rayonne par l'esprit. Surtout, on ne lui demande plus un, mais bien deux miracles, tous deux authentifiés. Du certifié conforme. Une performance de choix et l'aboutissement d'une longue quête.
Jeanne d'Arc a attendu 489 ans pour être simplement béatifiée. Et le frère franciscain perpignanais Angelo del Pas patiente depuis 1625 ! Comme des milliers d'autres aspirants qui peuplent les 400 pages de l'« Index ac Status Causarum », l'annuaire des candidats.
Quand on sait que Mère Teresa a été béatifiée en seulement six ans et que Jean Paul II est sur les rangs pour battre ce record, on se demande si le Vatican ne s'emballe pas parfois.
Il faut dire que la pression des fidèles peut être forte : quelques heures à peine après la mort de Karol Wojtyla en avril 2005, des banderoles « Santo Subito » (« Cannonisez-le tout de suite ») apparaissaient déjà dans les rues du Vatican… Quatre ans après, son successeur Benoit XVI est pressé d'accélérer la procédure.
Attendre le bon pape
Seul le Pape a le pouvoir de valider ou non les dossiers. Et dans ce domaine, mieux vaut calculer le moment où vous, ou plutôt vos intermédiaires, remettez votre demande. Car certains papes sont parfois pris d'une frénésie de béatification.
Encore une fois, c'est Jean Paul II qui tient la tête du classement. Il aura accordé le titre de saints à 482 reprises, soit le quart de l'effectif célébré dans toute la chrétienté.
Une performance que ne semble pas vouloir suivre Benoït XVI. Plus austère, ce dernier n'en est qu'à 14… Et rechigne même sur les cas de ses prédecesseurs. Il avait ainsi bloqué le dossier de Pie XII avant la béatification, compte tenu des polémiques sur son attitude face à la Shoah.
Et, si Jean Paul II fait pour le moment une ascension sans faute, il pourrait se retrouver dans la même situation, en raison de positions controversées sur la contraception ou la place des femmes dans l'Eglise. Il lui reste deux ans pour battre le record de précocité de Mère Teresa.