Il profère des horreurs avec décontraction, les jambes croisées, le ton égal. "L'islam est une religion fasciste et autoritaire. Quant à Mahomet, c'était un fou, un meurtrier, un pédophile, un idiot..." Ainsi parle Geert Wilders, 46 ans, nouvelle star de la vie politique néerlandaise. Ce député solitaire a fait de l'islamophobie son fonds de commerce.
Geert Wilders a repris le flambeau de Pim Fortuyn. (Reuters)
Selon les derniers sondages, son parti, le PVV (Parti pour la liberté), créé en 2006, est le plus populaire du pays. Il y a peu, ce fils d'un réfugié allemand ayant fui le nazisme s'attirait plutôt les sarcasmes. Geert Wilders? Un demi-fou qui vomissait l'islam, ce grand gaillard un peu ridicule avec sa tignasse peroxydée et son teint toujours hâlé. Au début des années 2000, il végétait encore dans l'ombre d'autres contempteurs d'un islam "incompatible avec les valeurs néerlandaises": le flamboyant libéral-libertaire Pim Fortuyn ou le cinéaste ultra-provocateur Theo van Gogh.
Et puis, en 2002, Fortuyn est assassiné par un acharné de la cause animale. Deux ans plus tard, Theo van Gogh est égorgé en plein centre d'Amsterdam par un islamiste radical. Wilders reprend le flambeau. En 2006, il quitte le Parti libéral (VVD) pour créer son propre mouvement, le PVV. L'an dernier, il produit Fitna, un brûlot anti-Coran. La vidéo, qui passe sur Internet, fait scandale. C'était voulu. "Wilders a un sens aigu de la communication, explique le politologue Kees Aarts. Dernièrement, il voulait se rendre en Grande-Bretagne alors qu'il n'était pas le bienvenu. Il a quand même pris l'avion en prenant soin d'y embarquer des journalistes. Quand il a été refoulé, toute la presse du pays en a parlé."
"Ma vie est un enfer, je ne la souhaite à personne"
Revers de la médaille: le célèbre Wilders est aussi un homme traqué. Chaque jour, il reçoit des lettres de menace. Pour le rencontrer dans sa permanence au Parlement de La Haye, il faut montrer patte blanche. Dans les couloirs où trône en bonne place le portrait de Theo van Gogh, une demi-douzaine de policiers impressionnants montent la garde. "Ma vie est un enfer, je ne la souhaite à personne, se lamente Wilders. Je vis dans une résidence constamment surveillée. Mon agenda est épluché par les policiers qui me protègent. J'ai renoncé à ma liberté."
A l'entendre, il est en mission: en finir avec "l'islamisation" de l'Europe en général, et celle des Pays-Bas en particulier. Pour la campagne des européennes, il concentre le tir sur la Turquie, "ce pays islamique". Pour épicer sa guerre de religions, le PVV avance quelques autres propositions: exclure la Roumanie et la Bulgarie, des "Etats corrompus", de l'Union européenne. "Tuer" le Parlement de Strasbourg, cette sangsue de l'Europe. Donner la priorité à la Hollande et aux Hollandais. Le cocktail du succès. Si des élections législatives se tenaient ce printemps, Wilders recueillerait au moins 30 sièges sur 150, contre 9 actuellement.
"Le peuple ne sait plus qui il est"
Que s'est-il passé au pays de la tolérance pour que Wilders soit ainsi plébiscité? "Il plaît aux classes populaires, qui n'ont pas profité de la mondialisation, qui ont peur de l'avenir, des changements culturels et sociaux", analyse Chris Huinder, de Forum, une association qui promeut le développement multiculturel aux Pays-Bas. Wilders donne une autre version de son succès: "La société néerlandaise a un problème d'identité. Aujourd'hui, comme il y a plusieurs siècles, nous faisons face à une invasion des musulmans. Pas par la guerre comme autrefois, mais par l'immigration de masse. Le peuple ne sait plus qui il est. Il veut retrouver ses valeurs."
Réponse simpliste pour une situation infiniment plus complexe. La réalité des Pays-Bas est celle d'un pays schizophrène. A côté de Wilders pousse une génération de politiques, issus, eux, de l'immigration. Symbole de cette intégration réussie: Ahmed Aboutaleb, nommé en janvier dernier maire de Rotterdam. A l'opposé, une partie des immigrés sont restés à l'écart. Dans les banlieues de Rotterdam et d'Amsterdam, où règne un chômage endémique, vivent aujourd'hui des populations désocialisées et peu intégrées. Wilders a beau jeu de dénoncer burqas et mosquées qui fleurissent dans ces quartiers. Comme il boit du petit-lait quand la police procède à des coups de filet dans les milieux islamistes pour démanteler des cellules terroristes.
"Le pire, c'est que Wilders influe sur toute la classe politique, s'alarme Sophie in't Veld, députée européenne du parti libéral de gauche D66. Le discours ambiant est toujours plus xénophobe et anti-européen." Wilders prépare pour l'année prochaine une suite de Fitna. Il parie qu'il sera Premier ministre après les prochaines législatives, dans deux ans. "Je suis prêt", dit-il, évidemment imperturbable.
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