"J'ai longtemps pensé que la Scientologie était la seule solution à mes problèmes". Cette phrase sonne comme un leitmotiv dans la bouche de Jérémy. Après 16 ans passés au sein de l'organisation en Californie, cet ancien membre bute sur certains mots en racontant son histoire. Une histoire vierge de toute information personnelle, pour ne pas être reconnu. "J'ai donné toute ma vie à la Scientologie", lâche-t-il.
Reuters/Charles Platiau
La librairie de l'Eglise de Scientologie à Paris, le 19 mai 2009.
Ce grand brun aux yeux noisettes n'a que 17 ans lorsqu'il découvre l'organisation de Ron Hubbard. Les études ne l'intéressent pas. Il les interrompt au cours de sa terminale de gestion. La communication avec ses parents est parfois difficile. Quand un adepte de la Scientologie propose de lui faire passer un test de personnalité, il accepte.
Le résultat est mauvais: instabilité, problèmes à se concentrer et à communiquer. Des "failles" lourdes de conséquences sur sa vie future, lui assure l'évaluateur. Jérémy suit donc un cours de communication pendant deux semaines. "Je restais assis devant quelqu'un et je devais le fixer dans les yeux", raconte-t-il. Un exercice destiné à recouvrer l'aisance et la confiance en soi.
Vente de services facturés de 500 à 50 000 euros
Constatant des changements dans ses relations avec les autres, Jérémy se met à fréquenter assidûment le centre de Scientologie, jusqu'au jour où il rencontre un membre danois de l'Organisation maritime (voir encadré), une instance supérieure de l'organisation.
Pensant avoir trouvé sa voie, il se rend au Danemark, où il est chargé des inscriptions et de la vente des services facturés, de 500 à 50 000 euros. Parmi les produits phares: "l'audition", forme de conseils censés "aider à examiner sa propre existence", peut-on lire sur le site de la Scientologie.
Nouvelle recrue, Jérémy travaille jour et nuit. Et bientôt, à l'adoration succède le doute: le temps libre se raréfie, seule la productivité compte. "On regardait les revenus que je réalisais sur une semaine et s'ils étaient inférieurs à la semaine passée, je devais rattraper mon retard", raconte Jérémy. La pression est constante, et si usante qu'il songe à tout plaquer. "Mais on ne peut partir quand on est membre du personnel. J'étais coincé. On me disait que si je partais c'est que j'avais des choses à cacher." Jérémy se résigne à rester, par peur de l'inconnu. Il tente l'aventure en Californie, où il devient manager d'une équipe de 40 personnes.
Mais aux Etats-Unis, où la Scientologie est considérée comme une religion, "le harcèlement" s'accroit. "On ne dormait pas, il fallait vendre à tout prix". Quitte à franchir les limites de la légalité. "J'ai vu des personnes s'endetter et des entrepreneurs déposer le bilan à cause des services qui leur étaient débités." Jérémy avoue avoir eu mauvaise conscience, mais selon lui, les employés comme lui n'avaient aucun pouvoir.
Après une dispute avec un supérieur, il revient en France. Mais ne renonce pas aux valeurs de la secte. "J'étais encore scientologue à 100%". L'absence de contact avec le monde extérieur va jouer le rôle de détonateur.
"A l'Organisation maritime nous n'avions pas accès au Net et toute information jugée subversive nous était interdite", explique Jérémy. A force de recherches, l'ancien adepte réalise combien il a été endoctriné. Avec l'aide d'une association, il suit une formation. Aujourd'hui, il est ingénieur en informatique et tente d'aider d'anciens "collègues" restés aux Etats-Unis.
Du procès pour escroquerie en bande organisée où comparaît la Scientologie, Jérémy espère une lourde condamnation. "Je veux que la vérité éclate au grand jour. La Scientologie se voit comme une religion mais elle n'est rien d'autre qu'un business."
Source : lexpress.fr
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