mercredi 15 avril 2009

Comment l'argent et la religion font bon ménage

Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, économiste et écrivain. Les religions condamnent l'intérêt sur le capital. Mais cela n'empêche pas els capitalistes de croire en Dieu.

brigeham34 - Flickr - cc

L’un des noms du diable (qui vient de diabolos, le diviseur, alors que la religion est ce qui, étymologiquement, relie, crée du lien) est Mamon, l’argent : il sera plus difficile au riche d’entrer au paradis qu’au chameau de passer par le chais d’une aiguille. En même temps, un proverbe prétend qu'« à celui qui a il sera donné » (dans le film de Bunuel, « La voix lactée », le diable, joué par Alain Cuny donne un billet à celui qui en a déjà un au nom de la parole évangélique et ne donne rien à celui qui n’a rien)Mais on sait aussi que le Christ, demandant une pièce de monnaie à l’effigie de César, dit à celui qui lui pose la question dit : « Rendez à César ce qui est à César », autrement dit l’argent, qui relève du matériel et du temporel, tandis que l’on apprend que son royaume n’est pas de ce monde. Les rapports des religions et de l’argent sont compliqués.

La ruse des religions

Les musulmans ont encore quelques scrupules avec le prêt à intérêt, mais ils ont inventé des procédures complexes pour permettre aux banques islamiques de prêter avec intérêt sans en avoir l’air. Les catholiques se sont longtemps opposés au prêt à intérêt, au prétexte qu’on ne peut faire commerce du temps qui n’appartient qu’à Dieu. Saint-Thomas d’Aquin, en particulier, s’est élevé contre le prêt à intérêt, il a proposé une merveilleuse doctrine du « juste prix », le juste prix s’appliquant notamment au salarié honnêtement rémunéré. Et Saint-Thomas, reprenant la vieille théorie d’Aristote sur la « chrématistique », s’est élevé violemment contre l’argent qui fait des petits, l’argent qui prolifère en dormant. Keynes, grand lecteur de Saint-Thomas et d’Aristote avait en horreur les intérêts composés.

Et pourtant les capitalistes croient en Dieu !

Il faut remercier la Réforme et les protestants pour cela – non pas Luther qui avait en horreur le prêt à intérêt, et on se souvient que la réforme est née notamment du commerce des indulgences, la vente du temps du Purgatoire ! Le Purgatoire lui-même fut sans doute une commodité inventée pour le prêt à intérêt. Il faut remercier les épigones de Luther et l’esprit du capitalisme, tel qu’il a a été si bien décrit par Max Weber : l’accumulation et la réussite deviennent un signe d’élection divine, et le travail, le labeur, la besogne la vocation et l’épargne participent de la foi bien plus que la contemplation que l’on laisse à la noblesse. Le capitaliste puritain de Max Weber est celui qui dit : « Au terme de mon labeur, je serai le plus riche du cimetière » sous entendu je n’aurais pas vécu, j’aurais travaillé et accumulé pour mes enfants, qui à leur tour ne vivront pas mais travailleront pour leurs propres enfants. C’est exactement la métaphore de l’argent de l’argent qui fait des petits.

La phrase : « Nietzsche : je veux des héritiers, je ne me veux pas moi-même » .

Source : marianne2.fr

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