Par Pascal Riché
L'hebdomadaire La Vie lance une pétition contre la réhabilitation de Mgr Williamson, qui nie l'existence des chambres à gaz.
Il n'est pas fréquent de voir des catholiques contredire le pape -leur père-, encore moins de se révolter ouvertement contre l'une de ses décisions. C'est pourtant ce que viennent de faire une cinquantaine d'intellectuels français, en signant une pétition intitulée « Pas de négationnistes dans l’Eglise ».
Elle a été diffusée hier soir, sur son site internet, par le généralement discret hebdomadaire La Vie. On trouve du beau monde sur la liste des signataires :
l'essayiste Jean-Claude Guillebaud
le philosophe René Girard
l'ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors
l'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt
le journaliste Jean Boissonnat
le directeur du théâtre de l'Odéon à Paris, Olivier Py
Ils sont en colère contre la décision prise par le Vatican de réhabiliter les évêques intégristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, une affaire dont notre blogueur « libéral de gauche » Hugues Serraf vous a déjà parlé mardi.
On les comprend, tant le télescopage des récents événements a été funeste pour l'image de l'Eglise.
Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques intégristes ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre, déclare jeudi : « Je crois que les chambres à gaz n'ont pas existé. »
Cela n'empêche pas Benoît XVI de lever samedi les excommunications frappant lesdits lefebvristes.
Pour un catholique humaniste, comment ne pas bondir face à une telle « ambiguïté » ? Comment supporter l'idée qu'on puisse soupçonner l'Eglise de blanchir ainsi des négationnistes ?
Après une conversation téléphonique ce week-end avec Jean-Claude Guillebaud, Jean-Pierre Denis, le directeur de la rédaction de La Vie, jugeant la situation « insupportable », décide de lancer une campagne.
Une pétition est rédigée : l'évêque britannique intégriste « ne saurait trouver sa place dans l'Eglise, sans repentir sincère et explicite de sa part » dit le texte, avant d'appeler le pape à condamner « clairement » ses propos.
Les intellectuels contactés ne se font pas prier pour signer. Y compris, cela étonne agréablement les journalistes de La Vie, certains catholiques réputés proche de la pensée de de Benoît XVI. C'est le cas des philosophes Rémi Brague, ou encore de Jean-Luc Marion (ancien conseiller de Jean-Marie Lustiger).
Des signatures de telles personnalités, au bas d'une pétition critique à l'endroit de décisions du pape, auraient été impensable il y a encore un an.
Au coeur de la polémique : l'interprétation de Vatican II
L'hebdomadaire La Vie, créé après la guerre (il s'appelait alors La Vie Catholique) a été l'un des fervents partisans du Concile de Vatican II, qui a considérablement dépoussiéré l'Eglise au début des années 60.
Les journalistes de La Vie considèrent que l'Eglise doit aujourd'hui défendre les acquis de ce concile « progressiste », et notamment la reconnaissance de la liberté de conscience, la nécessité de dialoguer avec les autres religions, le droit à changer de religion, la réconciliation avec le judaïsme, etc.
Les intégristes, eux, sont nés d'une allergie à Vatican II. Et si pour les catholiques, le Concile reste une « boussole » (l'expression est prêtée à Jean-Paul II), pour les intégristes, elle indique la mauvaise direction.
Derrière l'affaire Williamson, c'est toute l'interprétation de Vatican II qui est en débat. Jusque là, ce dernier était considéré par tous comme une rupture : il y avait l'avant-Vatican II (avec sa fermeture aux autres religions, sa messe en latin, etc.) et l'après Vatican II (avec son ouverture aux autres, sa tolérance, sa modernité…).
Sur le constat de cette rupture, tout le monde s'accordait. Simplement, si 400 000 prêtres catholiques approuvent cette rupture, 500 prêtres intégristes la considèrent comme une trahison. En 1988, Mgr Lefebvre est excommunié pour avoir sacré quatre évêques traditionalistes sans l'aval de Rome : le schisme est alors consommé.
Source : rue89.com
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