LE MONDE
L'affaire des caricatures de Mahomet n'en finit pas. Le quotidien danois de centre-gauche Politiken vient de provoquer une tempête de protestations dans son propre pays à cause des excuses que son rédacteur en chef a présentées, le 26 février, à des musulmans. Toeger Seidenfaden est ainsi devenu, en l'espace de quelques jours, le traître numéro un de la patrie danoise.
Le quotidien Politiken a signé un accord avec un avocat saoudien, Faisal Yamani, représentant huit associations du monde musulman disant rassembler près de 100 000 descendants du Prophète. Ces derniers menacent de faire un procès à la quinzaine de journaux danois qui ont réimprimé solidairement une caricature de Mahomet avec un turban en forme de bombe en février 2008, à la suite d'un plan avorté d'attentat contre son auteur, Kurt Westergaard.
Son dessin et onze autres caricatures de Mahomet avaient été publiés en septembre 2005 dans le quotidien Jyllands-Posten et avaient déclenché, au printemps 2006, une poussée de violences dans des pays musulmans, faisant de l'affaire des caricatures la plus grave crise au Danemark depuis la seconde guerre mondiale.
"L'avocat exprimait trois demandes, explique M. Seidenfaden au Monde. Ne plus publier les caricatures, exprimer des excuses et enlever les dessins des sites Internet. Tous les journaux ont répondu que cette publication était légale au Danemark. Dans mon cas, j'ai en outre exprimé ma compréhension pour les musulmans qui s'étaient sentis maltraités." A partir de là, les discussions ont continué. Le rédacteur en chef comprend que l'avocat pourrait se satisfaire d'une forme d'expression de regret ou d'excuse, et laisser tomber les deux autres points.
"Fausse religion"
"Sur cette base, ça m'a paru intéressant de faire un pas, estime Toeger Seidenfaden. La ligne de notre journal a toujours été de dire que, depuis le début de cette affaire, il y avait eu un manque de volonté de dialogue de la part du gouvernement danois. Cette approche de l'avocat nous a permis de mettre en pratique ce que nous prêchions."
Au terme de cet accord, négocié à Londres le 1er février, Politiken a accepté de présenter des excuses. Le texte a été publié en "une" du quotidien, selon le souhait des plaignants. Au Danemark, où la défense de la liberté d'expression est un dogme, la levée de boucliers a été quasi unanime.
"J'estime que c'est une trahison vis-à-vis de tous les combattants de la liberté oppressés dans le monde arabe, qui ne peuvent pas exprimer leur position. C'est se mettre à genou devant les islamistes. Avec ces excuses, ils obtiennent une victoire", a déclaré Naser Khader, qui, à l'époque de la crise des caricatures, était apparu au Danemark comme le porte-parole des musulmans modérés.
"Politiken tire dans le dos de la politique étrangère danoise", a fermement dénoncé Per Stig Moeller, qui fut ministre des affaires étrangères de 2001 jusqu'à sa nomination comme ministre de la culture fin février 2010. Le premier ministre libéral, Lars Loekke Rasmussen, s'est inquiété que ces excuses soient "l'expression d'une rupture de la cohésion qui a existé dans les médias et dans la société danoise". Le parti d'extrême droite DF (Parti du peuple danois), allié du gouvernement, a exhorté les journaux à publier la caricature incriminée. Ce qu'aucun journal n'a fait.
"La liberté d'expression, c'est une fausse religion au Danemark, assure Toeger Seidenfaden. Le fond du débat avec les caricatures, ce n'est pas un débat sur la liberté d'expression, c'est un débat sur comment traiter une minorité religieuse." Or le ton du débat public est souvent dur au Danemark vis-à-vis des immigrés, et des musulmans en particulier. L'avocat Faisal Yamani a déclaré, lundi 1er mars, être prêt à engager un procès "coûteux" contre les autres journaux danois s'ils n'acceptaient pas de présenter des excuses.
Sur le Web : la lettre d'excuses (en anglais), http://politiken.dk/debat/fakta/article910939.ece
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Il y a 11 ans
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