Les cathares se retenaient de consommer la chair des animaux. C'est, à-vrai-dire, une conséquence logique de la foi chrétienne. La compassion qui s'exerce envers plus petit que soi a toute raison de s'exercer également envers les animaux. S'ils sont plus petits que nous, ils ne le seront jamais autant que nous le sommes vis-à-vis de Dieu. Et, comme l'explique la parabole du débiteur sans pitié (Mt 18.23-53), si nous faisons du mal à plus petit, donc aux animaux, nous nous exposons à en recevoir davantage de Dieu. D'ailleurs, quelles autres raisons que la gourmandise nous poussent à manger de la viande, elle qui apporte tant de maladies et gaspille tant de ressources écologiques ? Si nous ne sommes pas capables de nous en passer, qu'est-ce qui nous distingue des plus féroces d'entre les bêtes sauvages ? «Dans les montagnes de la haute Ariège, au début du XIVe siècle, la viande est, pour les parfaits, de la fereza (feritas), de la sauvagerie, une nourriture de bêtes féroces.» (Jean Duvernoy, La religion des cathares, Privat, p173) Jacques Fournier, un prédicateur cathare interrogé par l'inquisition aurait dit : «Les esprit déchus sont les esprits humains et ceux des animaux ; ces derniers sont doués d'intelligence et de connaissance ; c'est pourquoi c'est un péché de les tuer». Dans l'Épître aux Romains (14.21), on peut lire : «Il est bon de ne pas manger de viande.» (R.C. p64) Le fait que les cathares mangeaient du poisson s'explique peut-être parce qu'ils croyaient que les poissons n'avaient pas d'âme et ne se reproduisaient pas. Dans la Bible, Dieu commande à Moïse de ne manger d'aucun animal saignant. Ceci a été détourné afin qu'on puisse continuer de la manger de la viande «Casher» en vidant de son sang. Au moyen-âge, quelques-uns croyaient que le sang était l'âme. Les cathares ne mangeaient pas de lait et d'œufs pour deux raisons. La première était qu'ils étaient le produit de la reproduction des animaux, et que toute reproduction engendre l'emprisonnement de nouveaux êtres, la seconde était que cela nécessitait parfois que l'on tue ou que l'on fasse souffrir l'animal. En effet, la vache, pour avoir du lait, doit mettre au monde un veau, et pour qu'il n'y ait pas trop de veaux, il faut parfois les tuer, comme on ne pourrait pas les nourrir tous. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui, étant donné la logique économique productiviste. Faisant allusion à ceux des juifs qui surveillaient avec une attention démesurée tout ce qui était mangé, Jésus dit : «Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l'homme impur, mais ce qui en sort» (Matthieu 15.11 et Marc 7.15) En effet, selon la loi, il fallait qu'un animal, pour être mangé, soit mort d'une certaine façon, et non d'une autre, qu'il soit vidé entièrement de son sang, qu'il n'appartienne pas à telles ou telle espèces, que le veau ne soit pas cuit dans le lait de sa mère, etc... Mais, est-ce manger de la viande ne revient pas, précisément, à faire attention à ce que l'on mange ? Pour être produite, la viande a causé de la violence, l'élevage et l'abattage, le gaspillage de ressources qui auraient permis de faire pousser des végétaux en quantité abondante, et ensuite elle coûte à celui qui l'achète dix fois plus cher. Jésus n'incite donc pas à manger de la viande, bien au contraire. À ceux qui mangent de la viande, il aurait pu dire : «Pourquoi t'obstine-tu à tant préparer ton alimentation, à aller exprès égorger un animal, à payer exprès le prix fort, alors que j'ai dit de ne pas la surveiller ?» Si nous considérions que tous les aliments sont les mêmes, nous devrions logiquement prendre les moins cher set ceux qui ont été produits le plus simplement, sans des détours de souffrance et de préparation. Chez les chrétiens, l'abstention de viande s'est perpétuée globalement, mais seulement le vendredi. Si ce n'est pas suffisant pour témoigner d'une compassion sincère envers les animaux, en revanche, ça l'est pour montrer qu'il y a une ambiguïté dans notre façon de les considérer. Ils ne souffriraient pas, selon la croyance «rationnalo-scientifique» et mercantile d'aujourd'hui, mais seraient de même nature que le Christ, puisqu'à l'occasion du vendredi saint, on fait une projection de celui-ci dans l'animal. En fait, peut-être que Jésus a un jour dit : «Si vous mangez de la viande, vous me mangez.» Comme lorsqu'il disait : «Si vous faites du mal autrui, vous me faites du mal.» C'est peut-être de là que vient l'eucharistie, que les cathares ne reconnaissaient pas, pendant laquelle on prétend manger le corps du Christ. Le sixième commandement stipule : «Tu ne tueras point» (Deutéronome, 5.17). Il ne précise pas «être humain». Et on pourrait, suivant la logique qui autorise à tuer des animaux, se permettre de tuer lorsqu'il ne s'agit pas d'une personne de son clan, de sa patrie, de sa famille. C'est un commandement que même les guerriers estimaient respecter. Voilà pourquoi les guerres continuent, ainsi que les abattoirs. Les croyants lisent souvent ce commandement non comme il est écrit, mais comme ils veulent le lire. Puisqu'il y a certaines nécessités qui sont de conquérir du territoire et de cuisiner quelques grillades, il était préférable à tous que personne ne comprît la réelle signification de cet ordre tout simple. E.B.
Source: http://spirizine.free.fr/index.html
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Il y a 10 ans
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